La libération de Dachau. Témoignage de M. François Guérin (2004).

Le 4 Septembre 1944, on est à Natzweiler. Quand on est arrivés à Dachau, j'ai reçu le numéro 101356. Nous avons été libérés le 29 Avril. Ca a été un jour extraordinaire. On avait reçus, par chance, deux colis qui étaient en principe distribués aux prisonniers de guerre, mais la Croix Rouge avait traité avec Himmler en lui disant qu'il y avait maintenant un grand nombre de prisonniers de guerre allemands avec l'avancée des Alliés et que, s'il voulait que la Croix Rouge s'en occupe, il fallait que les colis qui ne pouvaient plus être distribués soient acheminés à Dachau. Himmler a donné son accord et on a donc reçu deux colis de 5 kilogrammes, c'était quelque chose de merveilleux. On avait du thé, du beurre, du lait, du café, des nouilles, on avait un tas de choses. A ce moment-là, je travaillais à la cuisine, j'étais planqué. On avait fabriqué un système pour chauffer de l'eau avec deux plaques. On fichait l'électricité dessus. Au moment de la libération, les copains disent : " ça y est, on est libérés ! Les Américains sont là !". Moi, j'étais avec un copain, on répond : " Nous, on mange nos nouilles d'abord ", parce que si on les laisse, on a plus rien à notre retour. Si bien que je suis arrivé quand les Américains étaient déjà sur place. Ils faisaient descendre les SS des miradors. Les SS avaient sorti le drapeau blanc. Dans le mirador en face du block dans lequel j'étais, le block 14, il y avait 7 ou 8 SS. Ils descendaient tous et de devaient jeter leurs armes et mettre leurs mains derrière la tête. Le dernier, qui était un jeune SS, je ne sais pas s'il avait vingt ans, est sorti, mais quand l'Américain lui a demandé de sortir son revolver, il a mis la main dans sa poche et a essayé de tirer. Alors, les soldats américains n'ont pas fait un pli, ils ont descendu tous les SS qui étaient alignés.

Soldats américains devant l'entrée de Dachau.


Parmi les deux premiers Américains à entrer dans le camp, il y avait une femme reporter. Quand elle a enlevé son casque, on a vu sa belle chevelure blonde. Les soldats qui nous ont libéré étaient épouvantés. D'abord, ils ont vu les wagons de cadavres qui sont arrivés au camp et qui sont restés là. J'ai accompagné un officier américain jusqu'au bloc des typhiques, c'était quelque chose d'abominable. On y allait pour les aider mais c'était irrespirable. Quand l'officier est entré, il s'est mis à pleurer. Jamais il n'avait vu cela. Les Américains ont très bien réagi. Ils ont amené tout ce qu'ils pouvaient mais ils donnaient leur nourriture, qui était des boîtes de "singe", c'est-à-dire des boîtes de boeuf. Il y a des déportés qui ont mangé cela et qui sont morts, il fallait se réadapter tout doucement. La Croix Rouge française est arrivée très vite. C'est elle qui a prévenu ma famille que j'étais en vie. Très rapidement, l'Armée Leclerc a envoyé du personnel sanitaire. Après une certaine période pendant laquelle les Américains ne voulaient pas qu'on sorte du camp pour qu'on ne diffuse pas le typhus partout, les premiers détenus ont pu partir. Moi, j'ai eu de la chance, j'ai pu m'échapper en retrouvant un copain de mon frère qui était chauffeur de camion américain, il m'a emmené avec trois déportés et je suis rentré par le train à Bayeux.

La découverte des camps